Sadhus à Swayambhunath Sept semaines et 601 km au Népal, record battu avec une moyenne de 11,13 km par jour ! Non, nous n'avons pas joué à pousser les vélos. Le responsable n'est pas notre paresse mais les administrations avec lesquelles nous avons bagarré pour ne rien obtenir sur les autorisations à entrer au Tibet et le traverser officiellement en indépendants. Nos divers rendez-vous nous ont bien cloués à Katmandou.
Avec toutes les incertitudes dues aux grèves, nous entrons finalement sans problème au Népal depuis le Darjeeling. La route qui mène à Katmandou sillonne la plaine du Térail d'est en ouest avec, sur notre droite les hautes montagnes, sur notre gauche la frontière indienne. Le Térail, zone de plaines et de marais aux alluvions fertiles, reste néanmoins bien pauvre.
Stock de bouses sèches au premier plan pour le feu Village dans le Térail L'ambiance de cette plaine est à la révolte, mais heureusement, les nombreux check point nous laissent tranquilles. La nuit tombe vers 18h en même temps que la coupure électrique, les rues se vident soudainement comme un couvre-feu. Depuis notre fenêtre de chambre éclairée à la bougie, on observe les groupes de militaires ou policiers armées déambuler à grands pas. Le matin, tout semble à nouveau normal et l'on reprend la route égayée par les singes joueurs. De petits kiosques facilitent nos casse-croûte.
Un autre matin, proche de la douane, un groupe de femmes et d'enfants indiens courant dans les champs en tous sens avec serpettes en main, coupent la canne à sucre de manière anarchique. Ils traversent la route devant et derrière nous sans nous voir et chapardent à la sauvette, laissant derrière eux des champs dévastés, effet bizarre de pillages, confirmé dans les journaux du lendemain. De l'autre côté de la frontière népalaise, la région indienne du Bihar est corrompue et la plus pauvre de l'Inde. Ses habitants ne savent plus comment se nourrir. Des groupes de brigands s'organisent même pour agresser les passagers des bus et trains.
Dans la petite ville d'Hetauda, nous prenons l'ancienne route quasiment abandonnée passant par la montagne pour arriver à Katmandou. Quel calme entre ces cultures en terrasses et cette nature luxuriante après les foules indiennes...
Notre arrivée à Katmandou le midi du 1er avril est largement célébrée en soirée avec petit rouge et pièce de boeuf, un chateaubriand de 600 gr. Date sérieuse puisque c'est l'anniversaire d'Eric. Le compteur affiche km 26'820. Nous finissons la soirée par une petite bière dans le quartier "Freak street". Les clients fument des joints pendant qu'un jeune homme plonge la main dans le corsage de son amie. Une nouvelle fois, nous venons de changer de monde. Quelques semaines auparavant, Renaud nous avait invité à boire un verre dans une petite ville indienne. Un long escalier menait dans un sous-sol mal éclairé, empli d'odeur forte de terre humide, d'alcool et d'hommes. Le bar était vide, les serveurs regardaient Christine. Face au bar, on nous guida dans l'un des deux longs couloirs parallèles qui plongeaient dans la pénombre. De chaque côté, de petits boxes de 2x2m fermés par un rideau accueillaient les clients, une petite table, deux bancs, aucune déco sur les murs décrépits et lumière faible. Il fallait boire et si possible vite. Le rideau s'entrouvrait chaque minute et le serveur proposait une autre boisson. Malgré notre refus, il revenait sans cesse sans comprendre que l'on n'était pas venu ici se saouler mais discuter.
Le lendemain matin 2 avril, Catherine et sa fille Ariane, copines nantaises arrivent (par avion) pour nous rendre visite. Elles sont suréquipées trekking et nous partons dans la foulée une dizaine de jours marcher dans la région du Langtang.
Et le sac est lourd ! Hein Catherine ? L'habit ne fait pas le moine, Ariane, si sérieuse sur la photo, est un gai luron de première et nous a bien fait rire...
Nous sommes montés au village Langtang à 3'500m. La neige est tombée la nuit et dans la froideur matinale, les montagnes alentours étaient trop superbes pour ne pas monter, Christine et moi, au Cherko Ri à 5'000m. La neige est peu profonde et des marcheurs ont déjà fait les traces. La montée est délicate dans les éboulis de grosses roches gelées, mais on arrive au sommet peu après Christine et Markus de Berne, avec qui nous avions échangé quelques mots la veille à l'hôtel refuge. C'est grandiose. Le soleil est éclatant, très éblouissant, et mes lunettes ne sont pas dans mon sac alors que je les y avais pourtant mises...
Au lever du soleil Au sommet du Cherko Ri à 4'960 m L'aller et retour sans lunettes ont manqué de sérieux et forcément, mes beaux yeux marrons-verts-indéfinissables ont tourné au rose, puis rouge pâle, puis rouge vif. Markus, médecin, avait déjà diagnostiqué et savait qu'il devrait intervenir. Bien vite, je fus incapable d'ouvrir les yeux qui se mirent à pleurer toute la nuit. La douleur insupportable me donna rapidement la nausée. Il me fallait tirer sur les cils pour faire couler l'eau de mes paupières-ballons. On dose toute l'importance d'un médecin lorsqu'on en a besoin et je remercie encore Markus en vacances d'avoir été si gentil, si disponible et présent avec toute sa panoplie médicinale. Deux jours après, tout rentrait dans l'ordre... et mes lunettes réapparaissaient du fond de mon sac.
Christine (celle de Markus) et Markus décident ensemble au petit matin de faire un très chouette cadeau à Christine (celle d'Eric) pour améliorer son équipement et de plus, de retour en Suisse, Christine (celle de Markus) nous expédie par poste toute une liste de matériel indispensable pour les vélos.
Joli couple sportif d'une incroyable gentillesse que nous remercions de tout coeur.
Christine et Markus La descente nous permit de faire de belles rencontres avec le peuple sherpa.
A Katmandou, Catherine et Ariane prennent tristement leur avion retour, tandis que la maman d'Eric encore toute jeune (76 ans) débarque le lendemain afin de passer trois semaines avec nous.
Notre souci est de traverser le Tibet et toutes nos démarches nous clouent sur place. Durant 6 semaines, nous ne ferons pas de vélo mais je remets toute la transmission à neuf, plateaux, pignons et chaîne. Nous flânons dans Katmandou et ses environs. Aucune pièce de bois n'est brute. Ici, tout est finement travaillé : poutres, toitures, portes et encadrements de fenêtres. Ces ouvrages nous rappellent notre ami sculpteur Jean-Marc Tournois, brillant artiste (www.tournois-sculpteur.com)
Quartier de Patan Quartier de Patan Quartier de Patan A peine arrivée, maman est relookée par nos soins, puis elle dégaine sa camera qu'elle ne quittera plus de tout son séjour.
Maman filme sans gêne de beaux sadhus, qui évidemment lui réclament de l'argent. Bravo, elle sait refuser, mais à voir sa tête, elle n'est pas tout à fait à l'aise...
Grand-mère attaquée par un sadhu businessman... Je profite de cet arrêt pour agrandir nos porte-bagages avant, afin de surélever les sacoches si nécessaire en passage de rivières. Gilles Berthoud va bondir à la vue de cette soudure électrique... moi qui lui avais promis de ne faire que des soudures à l'oxygène !
Annuellement à Patan, il y a la fête de Rato Machhendranath. Les Népalais promènent leur dieu dans les rues sur un énorme chariot haut de plusieurs mètres. C'est lui qui donnera les bonnes moussons pour les cultures, pensent-ils convaincus.
Les roues plus grandes que Christine Plusieurs centaines de gens tirent sur les grosses cordes, rythmés par un meneur debout sur la proue du char. Ca tire fort et ça rigole. Les spectateurs se comptent par milliers. La tête frisée châtain-clair d'un homme trop grand pour être népalais, dépasse de la foule adolescente. Il y met toute son ardeur à déplacer ce dieu... et sa copine est hilare !
Claude Marthaler dans la foule Nathalie Pellegrinelli Des spectatrices Très mauvais présage ! Le chariot trop haut et son dieu ont chuté sur le côté (sans accident) et dans les minutes qui suivirent, un orage torrentiel éclata ! C'est sans aucun doute, la colère du dieu bafoué...
Jusqu'aux chevilles, avec quelques égouts débordants... Maman nous quitte toute triste, mais heureuse à la fois d'avoir vécu trois belles semaines. Les jours qui suivirent furent axés sur le passage du Tibet.
Côté Népal : Les versions différentes déferlaient plusieurs fois par jours. Va t'on finir par rouler ensemble comme prévu avec Claude et Nathalie dans les hautes montagnes ? Chaque jour passant, le doute augmentait. Le Tibet est devenu tristement l'alibi des businessmen à taxer un max les touristes amoureux de la montagne. C'est une honte ! Ils agissent comme si ce coin du monde leur appartenait. Ils préfèrent polluer avec leurs jeeps bondées qu'autoriser des randonneurs ou quatre cyclistes à passer sans bruit.
Côté Chine : Si vous passez par la route, il faut le faire en groupe et votre passeport n'est pas tamponné ! Si d'aventure vous leur demandez un tampon, ils annulent votre visa chinois pour le remplacer éventuellement par un visa valable 21 jours (trop court à vélo). Impossible donc de quitter le groupe. Si vous passez par avion sur Lhassa, c'est 320 dollars plus un guide obligatoire à 150 dollars qui vous montre la route entre l'aéroport et le centre ville, au cas où vous vous perdriez... Une fois au centre-ville, vous êtes officiellement interdits d'en sortir. Claude et Nathalie ont choisi cette formule avec la ferme intention de déjouer les contrôles de police.
Pour ce qui nous concerne, et après maintes décisions différentes, nous avons choisi d'enjamber le Tibet en avion et d'atterrir dans la ville la plus proche de Chine. C'est Chengdu dans le Sichuan. Nous tournerons dans et autour de la Chine dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et entrerons au Tibet par la Chine de l'ouest au printemps prochain.
Le Népal n'a donc pas été notre plus grande "balladavelo", mais en contrepartie ce fût un beau mélange de rigolades entre copains, copines, voyageurs et famille.
A bientôt depuis la Chine.
Christine à Swayambhunath Montée au Cherko Ri Temple Swayambhunath Ginette à la caméra toujours dégainée... Bastien et un enfant attendrissant Vendeuse de babioles Pour info :
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