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Tout là haut à vélo au Laos
25 mai 2010 - 16 juillet 2010
Grosses chaleurs et belles descentes ...

Notre site internet nous donne des statistiques, entre autre sur le nombre de visite, et l’accident de Christine au Cambodge a fait nettement monter les chiffres...
C’est clair, il faut maintenant choisir entre « peu de lecteurs » ou « accident » !
Sur ce ! Notre webmaster en personne venu nous accompagner sur 2000 km, a lui-même défendu son job en faisant son choix ! Il en a aussi coloré notre histoire ... de rouge sang !

Sa tête à l'arrivée
Sa tête à l'arrivée

Le Laos depuis notre arrivée
Pendant que Christine et moi sommes sur « Si Phan Don » (les 4’000 îles) à bosser sur nos montures, Renaud achète un vélo en Thaïlande et fait route seul pour nous rejoindre à Champasak, au Laos, côté ouest du Mékong, ancienne cité royale où se dressent sur la colline les restes du temple « Vat Phu » de la période d’Angkor.

Champasak
Champasak

Puis on découvre la vie des premiers villageois, sur la route qui remonte au nord, direction Paksé.

Laotienne à sa cuisine
Laotienne à sa cuisine

Paksé est une ville sans prétention. Pas grand chose de particulier et c’est justement ce qui nous a plus ! Nous y sommes restés trois jours à bichonner les vélos abandonnés depuis longtemps, discuter, etc.
Impossible de régler correctement la roue arrière de Christine depuis plusieurs mois sans comprendre pourquoi, mais ça ne la génait pas trop. Je démonte et trouve sous la bande protectrice intérieure, une jante fendue sur toute sa longueur...

Renaud sur son vélo tout neuf constate que l’axe de pédalier n’est pas du tout parfait et préfère le remplacer avec un de nos vieux axes gardés en cas de ! Puis amoureux du bambou, il se façonne une béquille et un grand porte-bagage arrière. Nous roulons 220 km dans une plaine tranquille pour arriver à Savannakhet. Il y a peu de circulation, rien de comparable avec son voisin le Vietnam. Rien d’extraordinaire non plus, juste une vie simple de « Laos Loum » (les Laotiens des plaines) bien traditionnels bossant pour certains dans les quelques rizières.

Savannakhet est une ville étonnante par son passé. Les colons s’y sont installés en masse et leurs traces sont partout. Les restaurations de maisons anciennes sont à la mode, mais la ville semble pourtant laissée à l’abandon. Beaucoup de demeures magnifiques sont à moitiés effondrées et Christine, comme en Syrie, aurait aimé être plus riche pour en restaurer une. Le port sur le Mékong est devenu quasi inutile mais les excellents restaurants flottants le long des rives sont toujours là.

Et la plaine à peine ondulée continue jusqu’à la capitale de Vientiane, environ 500 km. Au fil de la route, la soupe appelée « föe », des villages modestes, des mémoriaux abandonnés enfouis dans la végétation et des familles sympathiques qui nous offrent leur gnôle au milieu de l’après midi ! Ils ne sont pas déçus lorsqu’on leur fait goûter celle de mon oncle Michel qui nous reste dans une gourde.

Vientiane, la capitale réputée comme peu intéressante, nous plaît aussi. Difficile de dire pourquoi mais la vie y est comme « naturelle et réduite au plus utile ». Bien sûr, nous ne parlons pas du quartier touristique, mais des quartiers laotiens.
Au centre-ville, les bords du Mékong sont encore en partie sauvages et les pêcheurs ont su y garder leur cabane pour y passer leurs soirées.

Une sorte d’arc de triomphe asiatique pas fini, au sommet duquel on peut voir la ville, le stupa sacré, monument national du Laos doré un maximum, ainsi que quelques anciennes maisons coloniales en sont les curiosités.

Nous n’avons jamais fait attention si Jésus est blond chez les nordiques et brun dans le sud, mais Bouddha change de tête dans chaque pays. Comme si chaque pays voulait en être un peu le propriétaire, le créateur. Ci-dessous, le nez des deux photos n’est-il pas ressemblant ?

Quel nez !
Quel nez !

Quel nez aussi !
Quel nez aussi !

Encore direction nord pour arriver à Vang Vieng, splendide région karstique où nous faisons une longue virée sur les pistes, autour des blocs rocheux couverts de végétation.

Dans l’eau claire de la rivière, Christine s’y baigna toute ... habillée !
Et Renaud, comme les enfants, y fît le foufou !

Les photos ci-dessous expliquent mieux ce que nous avons aimé de Vang Vieng et ses environs, que ma parlotte.

Ou les «solides» ponts de bambous ou les pieds dans l’eau

Vente de fruits le long des pistes
Vente de fruits le long des pistes

Nous roulons toujours vers le nord et les montagnes commencent à devenir plus sérieuses et plus belles aussi. Renaud bricole régulièrement ses freins qui refusent de fonctionner correctement puis sa conscience de bon Suisse l’arrête pour mettre sur le bas-côté une grosse pierre délaissée sur la route par un camion en panne.

Christine continue tranquille mais opiniâtre comme son signe chinois, le buffle. Elle aimerait même, dans cette lourde chaleur, prendre un p’tit bain de boue comme eux !

De Vang Vieng à Kasi puis Phoukhoun, où nous prenons à droite direction est pour aller à Phonsavan, la route est superbe.

Là, nous croisons deux cyclotouristes individuels en même temps, un Russe équipé à la vietnamienne avec deux paniers d’osiers sur un vélo de fortune et un Canadien au top, ultra léger, ultra organisé. Peu de temps avant, nous avions croisé Ben et Gaël, un couple de Français super choux, partis de Singapour sans entraînement, mais un moral d’acier et décidés à rouler quelques mois.

La montagne est de plus en plus dure et Renaud bricole toujours ses freins ...
Rien dans les échopes laotiennes ne peut réparer son vélo thaï.

Et quelques personnages tout au long du chemin

Grand mère roulant un joint
Grand mère roulant un joint

Des enfants contents d’être sur la photo
Des enfants contents d’être sur la photo

Trois Juliettes au balcon
Trois Juliettes au balcon

Et lorsqu’un col est raide et magnifique, il faut redescendre au fond du trou, les cols et les vallées se suivent. Ce soir nous dormons à Namchat, au centre du village sous la toiture de la place du marché. Le bistrot nous prépare un « föe » soupe laotienne, puis on se lave à la rivière avec les gens du village. Renaud (encore en forme) réussit sans un mot de laotien, à expliquer un jeu de cartes aux enfants intéressés.

Bivouac à Namchat
Bivouac à Namchat

Joueurs de cartes à Namchat
Joueurs de cartes à Namchat

Nous arrivons alors à Phonsavan, sur un plateau couvert de pins, changement de décor, c’est un peu comme le Jura.

La région est visitée pour y voir la Plaine des Jarres. Etonnantes marmites sculptées, probablement utilisées à des fins funéraires mais Christine et Renaud cherche tout de même à imaginer s’il était possible d’y enfermer Eric. On peut tout imaginer puisque ces jarres restent un mystère, car rien ne définit avec précision leur fonction.

Malheureusement, il faut ici aussi faire attention où l’on pose ses pieds puisque les vestiges d’un siècle de guerre (Français, Chinois, Américains, Soviétiques et Vietnamiens) y ont laissé disséminé quelques milliers d’engins explosifs, pour certains non encore désamorcés. Le chemin sécurisé par la MAG (Mines Advisory Group) est marqué entre les parties blanches des bornes.

Il a beaucoup plu la veille mais l’esprit aventurier de Renaud veut tenter un raccourci de 5 km. On se retrouve plus loin, il sait maintenant ce qu’est une piste terreuse après la pluie.

Les freins de Renaud fonctionnent mal, peu ou pas ! En réalité, nous ne le saurons jamais mais ce n’est pas grave, dans les descentes trop raides ses chaussures, qu’il n’aime guère, frottent le bitume si nécessaire !

On prend de l’eau à la fontaine dans un village, les habitants nous observent. Ce sont des gens fières d’appartenir au groupe ethnique «Hmong », et nous sommes invités à boire le thé dans une famille. Le fils instituteur se mariera demain. Il parle anglais.

Dans la cour de la maison
Dans la cour de la maison

Les enfants de la famille
Les enfants de la famille

Christine avec à sa gauche, la future mariée
Christine avec à sa gauche, la future mariée

Dans un autre village, nous demandons où camper et des gens adorables nous indiquent le meilleur emplacement avec vue sur les montagnes. Nous sommes invités à manger soupe et viande de sanglier séchée, à la lueur du feu de bois, fumée suffoquante, pendant que des ados allongés dans la pénombre nous regardent. Nous n’avons pas vu une seule cheminée dans tout le pays, le feu est au milieu de la pièce et la fumée s’échappe où elle peut. Les statistiques dénombrent 2x plus de malades au Laos que dans les pays voisins. Plus tard, nous rencontrons un Belge installé dans un village afin d'installer des cheminées basiques à très bas coût. Il aimerait que son concept soit accepté et développé par les habitants eux-mêmes. Belle décision individuelle, sans moyen ni association quelconque.

Et les montées et descentes se succèdent sur plusieurs centaines de km. Elles sont même utilisées par les locaux pour se déplacer plus rapidement. Les familles dévalent à toutes allures, bébé sur le dos. Dangereux ? mais ça rigole.

Dans ces descentes, Renaud passe à la seconde paire de chaussure. Loin d’être aussi efficace, la semelle s’amincit à vue d’oeil, mais il ne lui reste que 2 jours de route, ça ira bien comme ça !

Et de charmants sourires « Hmong » le long des routes dont on ne se lasse pas.

Superbe cascade qui donne un peu de fraîcheur, dommage, Renaud ne la verra pas, elle est 500 m trop loin !
Depuis un certain temps, par souci d’économie de semelle, je (Eric) roule devant Renaud et l’informe des dangers ou replats. On fonce, ça descend beaucoup, vraiment beaucoup et il ne doit pas passer devant moi. Je vois au dernier moment deux virages à angle droit, à droite puis à gauche, je lui fais un signe rapide de ralentissement et je passe de justesse puis je stop à fond de frein, j’ai peur de son arrivée... Il apparaît comme un avion, très vite. Il réalise, il hurle en écrasant la semelle sur le bitume. Trop tard ! Il passe le premier virage à droite qui lui évite la barrière métallique et le ravin. Il ne passera pas le second à gauche.

Il se bagarre. C’est l’horreur, il est tellement vite, il va se tuer. Il quitte la route, le vélo saute au fossé, Renaud est éjecté et frappe comme une masse la paroi, heureusement de terre. Son corps tourne et rebondit comme un pantin désarticulé, son dos est cambré, il finit dans l’eau du ruisseau, il grimace et ne bouge plus. On est mal placé dans le virage et je tire son vélo sur la route comme signalisation. Il a mal mais ne perd pas connaissance. Il a une douleur à l’épaule droite, la clavicule est molle et pas à sa place, c’est cassé. Il a mal au pied droit. Le genou droit saigne, il est bien ouvert. La jambe droite ne bouge plus, meurtrie au niveau de la hanche, mais c’est finalement de la comédie, elle n’a rien de cassé :-) Et tout son côté droit est écorché vif. Ses cheveux mouillés à la verticale. Rambo n’est plus ce qu’il était !
Renaud n’a pas compris mon signe de ralentissement et s’est laissez-rouler sans retenue ...

Christine roulant loin devant est avertie de l’accident par un motocycliste. Elle remonte la côte, elle a la pharmacie. Je fini par mettre Renaud lentement au sec, puis en lieu sûr. Christine attache son bras et 30mn plus tard, je le soutiens pour monter dans un bus qui roulera 1h30 pour arriver à l’hôpital de Xam Nua, tandis que Christine, aidée d’une touriste qui se trouvait dans le bus, prendra un pickup avec les deux vélos... Et demi et matériel.
Le lit plastifié des urgences de l’hôpital est couvert de vieux sang sec. Je fais retourner le plastic et y met ma chemise.

La clavicule est bien cassée et l’on apprend plus tard que son pied a le 5ème métatarse cassé, pardon fissuré dirait Renaud.

La hanche est bloquée, l’infirmière y enfonce les doigts comme dans une pâte molle puis lève la jambe de Renaud, qu’elle lâche d’un coup. Le pied retombe comme un caillou, Renaud grimace et la soignante déclare : « Il n’a rien à la jambe ». Ses plaies sont nettoyées et laissées ainsi sans protection. Nous sommes renvoyés d’ici en tuk tuk.
Nous nous occupons dès lors de lui comme d’un enfant.

Après trois jours, il se sent légèrement mieux et comme l’aéroport de Xam Nua est aujourd’hui abandonné, nous allons laisser ici nos vélos et l’accompagner à Luang Prabang en bus, 16h de route. Nous avons les places d’honneur à l’avant pour son retour à la maison (vous remarquez comme je suis positif, j’aurais pu dire « les places du mort »).

Notre chauffeur est jeune, la musique nasillarde tourne fort. Ca braque et rebraque et ça vomit dans les sacs plastiques à l’arrière que l’on jette sur la chaussée. Aaah ! dans un virage, un camion en face, on freine, ça glisse, ça va cogner, non ! ça glisse toujours et on se fout au fossé !

Faut-il rire ?

Sitôt les passagers descendus, l’accélération est au plancher pour sortir le bus de là et le châssis frotte sur le bitume. Ca fume, les pneus chauffent mais rien à faire, alors un camion accroche un câble et tire dans l’alignement du fossé. Le bus ne peut pas sortir. J’interviens pour aligner le camion dans l’axe des roues avant braquées. Le bus remonte alors doucement sur la route. Le chauffeur est énervé, les passagers semblent indifférents. Il va probablement vouloir prouver qu’il sait conduire en roulant vite. Continuer dans ce bus ? Christine et moi le sentons mal ! Je regarde le châssis qui a frotté par terre et l’huile noire coule de partout. Le chauffeur me voyant, se couche sous le bus exactement devant la roue avant et regarde aussi les dégâts, pendant que les passagers reprennent leur place. Le bus s’alourdissant, je le vois soudain se mettre à rouler seul, sans chauffeur et sans moteur, droit dans la pente. Je saute dedans pour freiner, Christine descend en trombe mais le bus est stoppé avant moi par le vendeur de billet. Le chauffeur sous le bus s’est écarté à temps de la roue et n’est pas aplati. Cette fois, nous savons que nous ne remonterons plus dans ce bus. On récupère nos sacs et le vendeur de billet honteux a les larmes aux yeux en nous remboursant nos billets. Nous continuons en stop, en pleine montagne, loin de tout. On se sent mieux ici en entendant au loin le moteur diesel vrombir.

Nous montons dans le premier pickup et finissons par arriver à Luang Prabang, la ville incontournable. Les guides touristiques parlent mieux des temples que nous, nous préférons vous montrer quelques une de nos photos.

Un peu de repos pour Renaud
Un peu de repos pour Renaud

Pas curieux le bonze ?
Pas curieux le bonze ?

Joli tuk-tuk
Joli tuk-tuk

Et une petite balade sur le Mékong

Sur le Mékong à Luang Prabang
Sur le Mékong à Luang Prabang

Et pour les gastronomes, une photo de notre dernier repas laotien avec Renaud, au restaurant L’Eléphant.

Nous resterons 3 jours ensemble avant que Renaud ne prenne l’avion pour Bangkok et retour en Suisse. Il va mieux et reprend des forces pour prévoir son prochain séjour avec nous.
Au revoir Renaud et à bientôt.
Et vous ? Toujours envie de venir rouler avec nous ?

Et puis quelques photos tout en couleurs pour oublier le sang. Des vêtements magnifiques des différentes ethnies, souvent tissés dans leur propre village, à l’abri de leurs maisons sur pilotis. Des habitants fiers d’appartenir à leur groupe ethnique. Nous n’avons à aucun moment eu l’impression d’être indiscrets au Laos, seulement de passage. A ce jour, dans les montagnes du nord, nous n’avons croisé aucun car de touristes débarquant en masse dans un village, clic une photo rapide, comme ils visiteraient un zoo.

Groupe ethnique des Akha Oma. Groupe sino-tibétain. Ils vivent essentiellement dans la province de Luang Nam Tha, Oudomxay, Bokeo et Phongsaly.

Groupe ethnique des Akha Nuqui. Un groupe ethnique sino-tibétain immigrant il y a environ 200 ans. Ils vivent dans la province de Phongsaly.

Groupe ethnique des Tai Daeng. Daeng signifie rouge, à cause des vêtements de soie qu'ils portent. Nombreux dans la province Houaphan.

Groupe ethnique des Tai Dam. Sous groupe ethnique des Tai-Kadai. Bien connus pour leur vêtement. Ils sont nombreux à vivre au Vietnam.

Groupe ethnique des Hmong L'ethnie Hmong a beaucoup de sous-groupes avec langages, vêtements et coutumes différents. Le meilleur moment pour voir leurs diversités est durant décembre et janvier, le nouvel an Hmong.

Groupe ethnique des Lao Loum. L'ethnie majoritaire au Laos, 55% de la population. Ils sont connus également sous le nom de "Lao des plaines".

Et nous reprenons le bus pour deux jours afin de retourner à nos vélos à Xam Nua. Il nous reste trois semaines de visa pour quitter le pays. Il est probable que cela modifie notre plan de monter jusqu’à Phongsali. Nous le saurons pour notre prochaine mise à jour.